Kévin Mayer débute à Rome avec de grands objectifs

Nico Par Nico

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Entre l'objectif mesuré de boucler un décathlon sans blessure pour se qualifier pour les JO de Paris et la tentation d'aller chercher le seul titre qui lui manque, Kevin Mayer, farouche compétiteur, va devoir gérer ce championnat d'Europe à Rome.

Un Championnat offert sur un plateau d'argent

De bronze ou d'or, d'ailleurs, il faudra voir, et là n'est pas l'essentiel. Mais cette invitation exceptionnelle de European Athletics, adressée le mois dernier à Kevin Mayer, est un fort joli cadeau. C'est tout ce qui pouvait séduire le double champion du monde du décathlon, qui a tant de mal à se transcender quand il n'y a pas de médaille au bout du 1500 m. Toutefois, son clan, ces derniers jours, ne cessait de le répéter : la couleur du métal à la fin n'importe pas, ni même l'absence de métal tout court. Tout ce qui compte, c'est le petit ticket pour les JO de Paris.

Celui qui intéresse au-delà de la sphère de l'athlé. Celui qui pousse les badauds à lui taper sur l'épaule à l'aéroport ou à l'interpeller dans la rue ces derniers mois. « J'ai fait le moine, confirmait Mayer en point presse, vendredi. Dès que je sortais de chez moi, on me criait dessus pour me demander si j'allais me qualifier. Mais je me suis dit que l'attention que je reçois des gens vient du fait qu'ils ont vibré avec moi et qu'ils attendent que je les fasse vibrer encore. »

entre attentes et gestion

Ces deux jours, dans le stade Olympique de Rome, feront forcément vibrer. À la fois dénouement d'un feuilleton qui dure depuis son abandon aux Mondiaux de Budapest, en août 2023, et point de passage obligé avant la grande fête qu'il promet au Stade de France, ils seront, sauf accident de parcours (type zéro dans un concours) sa dernière cartouche. Mayer sera donc le 25e participant à la compétition, s'ajoutant aux qualifiés réguliers. Avec les minima dans le viseur (8460 points), même si, avec les points qu'il récoltera au ranking, un total moindre, entre 8100 et 8200 pourrait suffire. En revanche, ce ne serait pas un bon signal du tout.

En ce qui concerne sa forme, Mayer se dit opérationnel : « Aujourd'hui, je ne sais pas trop ce que j'ai dans les jambes. Je sais que je me prépare à fond pour les Jeux. Mercredi, j'ai senti une énorme tension dans le quadriceps, et là je ne sens plus rien. Je ne peux rien promettre à personne. Avec mon expérience et mon corps d'aujourd'hui, les minima ne sont pas un problème. »

Le jour de l'interview, une nouvelle venue de l'Oregon était bien arrivée jusqu'à lui. Aux Championnats universitaires américains, l'Allemand Leo Neugebauer avait bouclé son décathlon en 8961 points, devenant le 6e performeur mondial de l'histoire. De quoi lui donner des fourmis dans les jambes, alors que l'heure est à la mesure. « C'est un Championnat d'Europe, je suis allé sur la piste, j'ai envie d'exploser la piste. Il y a des mecs qui poussent derrière, j'essaie de me calmer. Là, le but ça va être de me freiner. Je suis capable de faire un décathlon à 200 %, mais pas deux à 200 %. »

« Cette envie d'y aller, ça va lui servir dans les courses, car il faut y aller à fond, jugeait Thomas Mayer, son frère aîné et manager, tout juste arrivé à Rome, dimanche matin. Ça va surtout être de la discussion avec Alex, ils vont se "brider". »

tout donner pour ne rien regretter

Son entraîneur, Alexandre Bonacorsi, a en effet balisé le terrain et prévu des garde-fous pour garder le cap. « L'intensité, on ne va pas la gérer, il va s'engager à 100 % dans tout ce qu'il va faire, expliquait le coach montpelliérain. C'est la répétition qu'on va gérer. Peut-être qu'il y aura des perfs qu'on jugera correctes et qui rentreront dans nos cordes pour la qualif. Ce sera mon rôle de l'arrêter, on en a déjà beaucoup parlé. Lui, c'est sûr qu'il aura envie de continuer, mais moi je l'arrêterai si la perf' est correcte. J'ai une trame avec des totaux de points, je saurai analyser ça en temps réel. »

La longueur est la première épreuve où Mayer se permettra de gérer, selon son chrono au 100 m, indiquait le coach. « À la hauteur, pareil, je pense qu'à partir d'une certaine barre, je lui dirai : tu as un saut par barre. On verra au javelot, ça peut être traumatisant. » En revanche, à la perche, Mayer aura le droit de s'amuser un peu. « C'est une épreuve qui lui fait plutôt du bien, c'est son autre jambe d'impulsion, ça équilibre », notait-il. Attention à ne pas non plus tomber dans l'excès inverse et arrêter trop tôt un concours, prévient Bonacorsi.

C'est sur un drôle de fil que va devoir marcher Kevin Mayer ces deux prochains jours. Mais avant lui, Nafissatou Thiam a montré la voie. Également en quête de son ticket pour Paris, la Belge a parfaitement géré, ne poussant pas à la hauteur après un premier saut manqué, par exemple. « Ce qu'elle a fait, la victoire et la qualif (6848 points), c'est le scénario parfait, soulignait Thomas Mayer. On se dit que s'il y a la qualif, il y aura sans doute la médaille au bout. »

pour un premier titre européen en vue

« Effectivement, ce serait bien qu'il ait un titre de champion d'Europe, parce qu'il n'en a pas et que... moi j'en ai un ! rigolait Romain Barras, directeur de la haute performance à la FFA et titré en 2012 au décathlon. Il me taquine souvent avec ça. Mais il sait que l'essentiel pour lui, c'est les Jeux. Ça passe par une perf, parce que 8500 points aux Europe, c'est un podium, ou très proche. » Mardi soir, gestion ou pas, Mayer voudra surtout avoir passé le gué en pleine santé.

Vice-champion olympique de la spécialité en 2016, puis 2021, Kevin Mayer commencera ce lundi à 10h05 du matin par le 100 m puis enchaînera à 11h05 avec le saut en longueur. L’après-midi, on pourra voir le recordman français sur le lancer de poids (13h05) puis sur le saut en hauteur (19h30) en fin de journée. La soirée se prolongera jusqu’à 22h20, horaire auquel le français se lancera sur le 400 m. L’intégralité des épreuves de Kevin Mayer ce lundi sera à suivre sur France 3. À noter que France 2 récupérera l’antenne entre 11h32 et 12h58.

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