L'argent au goût amer pour Jimmy Gressier

L'argent au goût amer pour Jimmy Gressier

Brice Par Brice

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Ce dimanche 14 décembre 2025 à Lagoa, au Portugal, Jimmy Gressier a vécu un scénario cruel lors des championnats d'Europe de cross-country. Vice-champion d'Europe après un trébuché dans les derniers mètres, le champion du monde du 10 000 m a vu l'or lui échapper d'un rien.

Une course de guerrier

Sur le parcours exigeant de Lagoa, Jimmy Gressier a démontré qu'il retrouvait peu à peu ses sensations après deux mois de reprise de l'entraînement. Face à lui, l'Espagnol Thierry Ndikumwenayo, né au Burundi et médaillé de bronze des championnats d'Europe de cross 2024, s'est révélé un adversaire redoutable.

Avec des chronos de référence de 12'47''67 sur 5000 m et 26'49''49 sur 10 000 m, l'Espagnol possède un palmarès international impressionnant, incluant une 9e place aux Mondiaux de cross la même année. Le duel était donc prometteur entre ces deux pointures de la discipline.

Un duel à suspense jusqu'au bout

Tout au long des cinq boucles du tracé portugais, le sociétaire du club de Boulogne-sur-Mer a tenté à plusieurs reprises de lâcher son rival. Mais Ndikumwenayo s'est montré d'un accrochage exemplaire, ne laissant jamais Gressier prendre le large. Les deux hommes ont négocié ensemble les virages serrés et les relances incessantes du parcours cabossé de Lagoa.

"J'ai essayé de le lâcher depuis plusieurs kilomètres", expliquait Gressier après la course, soulignant la difficulté de se défaire d'un tel adversaire sur ce type de terrain. La bataille tactique et physique entre les deux hommes a tenu en haleine le public jusqu'aux ultimes mètres de la course.

Le cruel épilogue

C'est dans les cinquante derniers mètres, en montée, que tout s'est joué. Jimmy Gressier et Thierry Ndikumwenayo abordent le dernier virage au coude-à-coude, l'issue de la course restant totalement incertaine. C'est alors que le destin va basculer de manière inattendue.

"J'étais quand même déjà bien épuisé et crispé avant d'accélérer. J'ai essayé de prendre l'extérieur, mais j'ai été un petit peu déporté et il avait la meilleure position pour les 60 derniers mètres", raconte le Français. "Dans le dernier virage, j'essaye d'appuyer. Je prends une petite botte de terre qui avait été retournée par d'autres concurrents, je perds mes appuis et je manque de tomber. Après, je ne peux plus rien faire."

Ce faux-pas, aussi infime soit-il, a suffi à briser l'élan du Tricolore. Ndikumwenayo, mieux placé, a pu profiter de cette légère hésitation pour s'envoler vers le titre européen, laissant Gressier dans son sillage.

🥈 VICE-CHAMPION D'EUROPE !

🇲🇫 Jimmy Gressier était venu pour l'or, mais c'était sans compter sur le redoutable 🇪🇸 Thierry Ndikumwenayo, auteur d'une superbe course à Lagoa !

🔝 Plus qu'une marche à franchir pour le Boulonnais, médaillé de bronze en 2021, et qui repart cette… pic.twitter.com/I1BYARuDmk

— FFAthlétisme (@FFAthletisme) December 14, 2025

Une référence amère

Le champion du monde de Tokyo ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec son titre planétaire sur 10 000 m, remporté dans un finish mémorable : "Les finishs s'enchaînent mais ne se ressemblent pas", glisse-t-il avec une pointe d'amertume. Là où il avait su trouver les ressources pour aller chercher l'or mondial dans les derniers mètres, c'est cette fois la malchance qui s'est invitée au pire moment.

Cette médaille d'argent, bien que frustrante, n'en reste pas moins une belle performance pour un athlète qui n'a repris l'entraînement que depuis deux mois. "Après avoir repris l'entraînement il y a deux mois, j'étais peut-être encore un peu juste pour rejoindre mon ami Yann Schrub dans le cercle fermé des champions d'Europe", analysait-il lucidement après la course.

Un manque de préparation spécifique

Interrogé sur ce qui lui a manqué pour décrocher le titre, Jimmy Gressier s'est montré transparent dans son analyse : "Il ne m'a pas manqué grand-chose, peut-être un mois d'entraînement en plus et un peu de spécifique pour être plus juteux aujourd'hui."

Cette franchise témoigne de la lucidité du champion français qui sait parfaitement évaluer son niveau de forme. Avec seulement huit semaines d'entraînement dans les jambes après sa coupure, il n'était peut-être pas encore au summum de sa condition physique pour rivaliser sur la durée avec des spécialistes du cross affûtés pour l'occasion.

Un bronze collectif en prime

Au-delà de sa performance individuelle, Jimmy Gressier a contribué à la médaille debronze par équipes des seniors hommes français. Aux côtés de Fabien Palcau (15e), Simon Bedard (20e), Luc LE Baron (27e) et Valentin Bresc (36e), il a permis aux Bleus de monter sur le podium collectif, même si l'équipe visait plus haut.

La journée a toutefois été ternie par l'abandon d'Hugo Hay, son coéquipier et ami de longue date, contraint à l'abandon en raison d'une douleur intense au tendon d'Achille alors qu'il était à la lutte pour le podium individuel. Une scène douloureuse qui a marqué le champion du monde, habitué à partager les podiums avec le sociétaire de l'US Ivry.

Cap sur Tallahassee

Cette médaille d'argent individuelle et ce bronze collectif sont de bon augure avant le rendez-vous majeur de début d'année : les championnats du monde de cross-country qui se tiendront le 10 janvier à Tallahassee, en Floride.

"Avec quatre semaines d'entraînement en plus dans les jambes, j'ai encore du temps pour monter en puissance", prévenait Jimmy Gressier, déjà tourné vers l'objectif mondial. Le Boulonnais aura à cœur d'aller chercher une récompense collective avec ses coéquipiers sur le sol américain, et pourquoi pas effacer la déception portugaise par un nouveau podium.

Si cette deuxième place européenne ne restera pas dans les annales comme le plus grand exploit de Jimmy Gressier, elle témoigne néanmoins de sa capacité à être performant rapidement après une reprise. Peu d'athlètes peuvent prétendre monter sur un podium continental avec seulement deux mois d'entraînement dans les jambes.

Ce trébuché malheureux dans les derniers mètres laissera certainement des regrets au double médaillé des Mondiaux de Tokyo. Mais le champion français sait qu'il possède encore une belle marge de progression d'ici les Mondiaux de janvier. À Tallahassee, nul doute qu'il aura à cœur de prouver qu'il fait toujours partie des tout meilleurs crossmen de la planète.

En attendant, cette médaille d'argent vient s'ajouter à un palmarès européen en cross déjà bien garni, lui qui avait été médaillé de bronze en 2024 à Antalya. Et même si le scénario aurait mérité une meilleure fin, Jimmy Gressier peut être fier d'avoir livré une bataille de haut niveau face à l'un des meilleurs spécialistes mondiaux de la discipline.

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