Tim Wellens vainqueur, Julian Alaphilippe héroïque

Carcassonne, 15e étape du Tour de France — À 34 ans, Tim Wellens vient de rappeler à tous qu’il est bien plus qu’un simple équipier. Dans un Tour de France dominé par les mastodontes du peloton, le Belge s’est offert un moment de gloire, renouant avec la victoire après des années de dévouement à son leader Tadej Pogacar.

L'heure de gloire retrouvée

Longtemps coureur vedette chez Lotto, Wellens avait fait le pari en 2023 de rejoindre UAE Team Emirates, troquant son statut de chasseur d'étapes pour celui d'équipier de luxe. Un choix mûrement réfléchi : « Je savais que je ne pourrais pas rivaliser avec Pogacar et d'autres leaders. Je préfère une victoire d'équipe à une 7e place en solo », avoue-t-il. Un renoncement apparent à ses ambitions individuelles... jusqu’à dimanche dernier.

Sur les routes escarpées entre l’Aude et le Tarn, Wellens a signé un retour en grâce à la hauteur de ses plus belles heures — deux victoires sur la Vuelta, deux sur le Giro — en triomphant après un raid solitaire de près de 40 kilomètres. Le tout, vêtu de son flamboyant maillot de champion de Belgique, glané trois semaines plus tôt à Binche devant Evenepoel et Philipsen. Une victoire inattendue, même pour lui : « Je n’avais pas coché cette étape. Je suis là pour Pogacar, c’est tout. »

Son manager Mauro Gianetti salue son dévouement : « Tim mérite cette victoire. Il a mis ses ambitions de côté pour servir Tadej. Il est fort, intelligent, et toujours là pour l’équipe. »

Derrière ce visage calme et ce professionnalisme absolu, Wellens reste un personnage entier. Têtu comme une mule, selon son père Léo, ancien coureur olympique, perfectionniste dans les moindres détails — au point d’être directif avec les mécaniciens —, et doté d’un humour discret mais bien trempé, il est respecté par tous. « C’est un vrai chambreur, il faut le connaître pour le comprendre », sourit son ami Tony Gallopin.

Aujourd’hui, Wellens incarne la figure du gregario moderne : fort, loyal, stratège. Il l’assume pleinement : « Quand j’aide Tadej, je n’ai plus d’ambition personnelle. Je suis son garde du corps. » Et Pogacar, son ami et voisin à Monaco, sait ce qu’il lui doit. Dans l’ombre, Wellens brille d’une lumière singulière.

Julian Alaphilippe : une épaule disloquée, une échappée héroïque, et un sprint... inutile

Ce même dimanche, un autre homme a marqué les esprits : Julian Alaphilippe. Pas par la victoire, mais par un acte de bravoure pure. Victime d’une chute en début d’étape, le Français de la formation Tudor s’est luxé l’épaule gauche. Qu’à cela ne tienne : il se l’est remise lui-même, sans médecin, puis est remonté sur son vélo pour prendre l’échappée.

Sans oreillette, privée de liaison suite à la chute, Alaphilippe a roulé à l’instinct pendant 155 kilomètres. Il croyait sprinter pour la victoire… alors que deux coureurs étaient déjà arrivés. Une erreur qui l’a rendu furieux : « Comme un con, j’ai levé les bras, je ne savais pas qu’il y avait deux gars devant. »

Malgré l’amertume, le public n’a vu qu’un acte de panache. « Il a fait une performance incroyable, c’est ça la beauté du cyclisme », confiait Raphael Meyer, manager de l’équipe Tudor. Même son de cloche chez le médecin du Tour : « C’était une luxation incomplète. Elle s’est remise seule. Franchement, chapeau. »

Ce podium, le premier d’un Français sur ce Tour, a un goût amer pour Alaphilippe. Mais il a aussi valeur de symbole : celui d’un champion cabossé mais indomptable. Après les blessures, les chutes et les désillusions, il reste fidèle à lui-même, imprévisible et touchant.

Deux hommes, deux récits, une même grandeur

Le cyclisme est un sport d’hommes de l’ombre, d’efforts silencieux, de douleurs dissimulées. En ce 15e jour de course, Tim Wellens et Julian Alaphilippe ont incarné deux faces d’un même courage. L’un a conquis, dans la discrétion, une victoire méritée après une carrière de sacrifices. L’autre, dans la douleur, a démontré qu’il n’a rien perdu de son âme de combattant.

Des figures qui inspirent. À Saint-Trond, où sa mère est enseignante, les élèves suivent les exploits de Wellens. À Montluçon ou ailleurs, les fans redécouvrent le cœur immense d’Alaphilippe. Le Tour de France, plus que jamais, reste un théâtre d’émotions brutes et d’humanité vibrante.