R360, le pari fou qui veut faire entrer le rugby dans une nouvelle ère

Lenny Par Lenny

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Annoncé en 2025, le projet R360 suscite autant de fascination que de méfiance. Pensée comme une ligue mondiale privée et itinérante, indépendante des fédérations, cette nouvelle compétition ambitionne de révolutionner le rugby professionnel en mêlant sport, divertissement et dimension internationale.

R360, quésako ?

À l’origine de ce projet ambiteux, on retrouve trois figures britanniques : Mike Tindall, ancien international anglais et champion du monde 2003, Stuart Hooper, ex-directeur du club de Bath, et Mark Spoors, dirigeant de l’agence américaine de marketing sportif Wasserman. Le trio s’appuie sur un fonds d’investissement basé aux Émirats arabes unis, 885 Capital, pour financer cette ligue privée, indépendante de World Rugby et des fédérations nationales.

Le concept ?

Une compétition mondiale fermée, composée d’un petit nombre de franchises masculines et féminines, qui s’affronteraient dans des villes iconiques comme Londres, Tokyo, Dubaï, New York, São Paulo ou Le Cap. R360 veut associer spectacle et sport, à l’image du Super Bowl ou de la Formule 1, en proposant des matchs précédés de concerts et d’événements festifs.

Un format inspiré du show-business

Pour son lancement prévu en octobre 2026, il devrait y avoir : 6 à 8 franchises masculines et 4 féminines, environ 300 joueurs et joueuses répartis entre les équipes, un calendrier en deux périodes : avril-juin et août-novembre, des matchs organisés dans des stades prestigieux sur plusieurs continents. Chaque franchise aurait une identité régionale (Europe, Océanie, Amériques, Asie, Afrique) et serait portée par des investisseurs privés.

Des salaires records pour attirer les stars

R360 veut séduire les meilleurs joueurs du monde, aussi bien du rugby à XV que du rugby à XIII. Des noms prestigieux comme les français Antoine Dupont, Louis Bielle Barray ou Thomas Ramos, le sud africain Siya Kolisi, ou encore l'écossas Finn Russell circulent du côté du rugby à XV, tandis que des stars du rugby à XIII comme Ryan Papenhuyzen, Roger Tuivasa-Sheck ou Nelson Asofa-Solomona auraient déjà été contactées.

Les salaires annoncés sont vertigineux : entre 500 000 € et 1,5 million d’euros par saison, soit des montants supérieurs à ceux offerts dans les championnats européens ou en NRL australienne. Selon la presse anglaise, plus de 160 précontrats auraient été signés à l’été 2025, sans toutefois engager formellement les joueurs. Mais pour Philippe Spanghero, ancien joueur et consultant en économie du sport, le projet reste fragile : « R360 compare son modèle à la Formule 1 ou au golf, mais le rugby repose sur un lien fort entre clubs et nations. Sans les grandes stars internationales, le projet ne tiendra pas économiquement. »

Une opposition frontale des fédérations

L’annonce du projet a immédiatement provoqué une levée de boucliers dans le monde du rugby. Les principales fédérations, comme la France, l'Angleterre, l'Irlande, l'Écosse, l'talie, l'Afrique du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande – ont publié un communiqué commun appelant à une « extrême prudence ». Elles ont prévenu que tout joueur ou joueuse participant à R360 serait inéligible à la sélection nationale. En France, le président de la FFR, Florian Grill, a dénoncé un projet « apatride et purement financier » : « Le rugby a besoin de racines et d’ancrage, pas d’une compétition hors-sol centrée sur l’argent. » Même ton du côté de la Ligue nationale de rugby (LNR). Son président Yann Roubert salue la fermeté des fédérations : « On ne construit pas un sport en contournant ceux qui le bâtissent. Le rugby français repose sur la formation, les clubs et la solidarité. »

L'organisation du R360 tente de rassurer

Face aux critiques, les promoteurs du projet ont rapidement publié un communiqué de réponse. Ils affirment que le bien-être des joueurs est au cœur de leur démarche : « R360 réduira la charge de travail des joueurs tout en attirant une nouvelle génération de fans. » L’organisation promet également de libérer tous les internationaux pour les compétitions nationales et assure vouloir collaborer avec World Rugby sur la planification du calendrier. Mais pour l’heure, l’instance mondiale n’a pas encore accordé sa reconnaissance officielle. Un vote décisif est attendu en juin 2026.

Entre rêve et utopie

R360 veut incarner le rugby du futur : plus spectaculaire, plus international, plus rentable. Mais son ambition entre en collision avec les valeurs traditionnelles du sport et le modèle collectif construit depuis des décennies. Si le projet voit le jour en 2026, il pourrait bouleverser durablement l’équilibre du rugby mondial, ou au contraire, rejoindre la longue liste des ligues rebelles avortées. D’ici là, le monde du rugby retient son souffle.

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